Au cours des dix dernières années, l’Espagne est devenue une cible privilégiée pour les entreprises pharmaceutiques qui souhaitent y mener des essais cliniques et y établir des centres de recherche et de développement. Cette expansion a été facilitée par la combinaison d’une réglementation rationalisée, de partenariats public-privé de grande envergure et d’une stratégie d’investissement de la part des principaux acteurs de l’industrie.
La tête de file des essais cliniques
L’Espagne s’est hissée au premier rang des pays européens pour les essais cliniques, dépassant des rivaux traditionnels comme l’Allemagne. Sur les 1 944 essais cliniques autorisés dans l’Union européenne en 2023, 845 ont été réalisés par des centres espagnols, soit 43 % du total. L’Agence espagnole des médicaments a également autorisé 350 essais multinationaux, devançant l’Allemagne et la France dans ce secteur.
Ce leadership s’explique en partie par le fait que l’Espagne a été le premier pays de l’UE à adopter le règlement européen sur les essais cliniques, qui harmonise les procédures de soumission, d’évaluation et de suivi dans l’ensemble de l’UE. Cette proactivité a permis à l’Espagne de raccourcir les délais de lancement des études et de doubler les études en phase précoce, en particulier dans le domaine des maladies rares et dans le segment pédiatrique.
Des incitations attrayantes et des processus efficaces
L’Espagne offre aux grandes entreprises des crédits d’impôt très élevés pour le développement et la recherche, de l’ordre de 33 %, ce qui est bien supérieur à la moyenne européenne de 15 %. L’Espagne offre également des incitations fiscales aux travailleurs qui s’installent en Espagne, comme la loi Beckham qui permet aux étrangers de bénéficier d’un taux d’imposition plus faible sur leurs revenus pendant une certaine période. Toutes ces mesures d’incitation, ainsi que la rapidité de la procédure réglementaire, ont contribué à faire de l’Espagne une excellente destination pour les investissements pharmaceutiques.
Investissements massifs des géants pharmaceutiques
L’environnement favorable a incité les grandes entreprises pharmaceutiques à investir massivement. Par exemple, AstraZeneca a ouvert son centre mondial à Barcelone en 2023. Au départ, l’entreprise prévoyait d’atteindre 800 millions d’euros et de créer 1 000 nouveaux postes jusqu’en 2027. En 2024, l’entreprise a augmenté son investissement à 1,3 milliard d’euros et doublé sa promesse de recrutement pour atteindre 2 000 employés, démontrant ainsi le succès et le potentiel du système espagnol.
D’autres entreprises pharmaceutiques telles que Novartis, Roche et Sanofi ont également étendu leur présence en Espagne en s’appuyant sur l’industrie des soins de santé du pays, les instituts de recherche de qualité et les politiques gouvernementales libérales. Le gouvernement espagnol s’est efforcé de favoriser cette expansion en collaborant avec les entrepreneurs, le Premier ministre Pedro Sánchez ayant personnellement invité les dirigeants de Johnson & Johnson, Daiichi Sankyo, Eli Lilly et Sanofi à s’entretenir avec lui au sujet de nouvelles collaborations.
Défis et perspectives d’avenir
Néanmoins, l’Espagne est mise à l’épreuve pour maintenir sa position concurrentielle. Elle reste derrière des pays comme l’Allemagne, le Royaume-Uni et le Danemark en termes de dépenses de recherche et développement en pourcentage du PIB. En outre, l’adoption de médicaments approuvés pourrait être lente, le gouvernement ne souhaitant pas se précipiter pour engager de nouvelles dépenses.
Afin de conserver son rôle de point névralgique pour les médicaments, l’Espagne recherche activement des initiatives telles que l’accélération de l’installation de nouveaux médicaments, l’encouragement des collaborations public-privé et l’augmentation des investissements dans la recherche fondamentale. La stratégie agressive du gouvernement et les forces inhérentes au pays font que l’Espagne est très bien équipée pour continuer à attirer les investissements dans les médicaments et à développer son secteur des sciences de la vie.