Les Singapouriens se rendront aux urnes le 3 mai pour une élection qui promet d’être décisive dans un contexte mondial de crise économique et de mécontentement national. La période de campagne de neuf jours – l’une des plus courtes au monde – laisse peu de temps aux électeurs pour réfléchir à leurs options en cette période d’introspection nationale.
Il s’agira de la première épreuve politique à fort enjeu pour le Premier ministre Lawrence Wong, qui a succédé à Lee Hsien Loong lorsque ce dernier a pris sa retraite en mai. M. Wong entre dans un bureau longtemps occupé par le Parti d’action populaire (PAP), qui gouverne Singapour depuis bien avant l’indépendance du pays en 1965. Malgré le fait que le PAP dominera probablement à nouveau le gouvernement, les indicateurs d’inquiétude des électeurs sont sans ambiguïté.
Lors des élections générales de 2020, le vote populaire du PAP est tombé à 61,2 % – une chute stupéfiante de près de neuf points de pourcentage – alors que les citoyens exprimaient leurs doléances face aux pressions économiques. Ces doléances n’ont fait qu’augmenter cette année.
Le coût de la vie en tête des préoccupations des électeurs
Le coût élevé de la vie est la principale préoccupation des électeurs. Alors que l’inflation érode le pouvoir d’achat et que l’expansion économique ralentit, le gouvernement a présenté un budget de 124 milliards de dollars singapouriens (95 milliards de dollars) pour l’année fiscale 2025 visant à atténuer le choc pour les familles. Les subventions aux supermarchés, les subventions pour les soins aux personnes âgées et les distributions d’argent aux citoyens à faibles et moyens revenus font partie des propositions.
Les réactions ont été inégales. Les particuliers apprécient l’aide, mais d’autres pensent qu’elle n’est pas suffisante. Nourriture, loyer, garde d’enfants – les produits de première nécessité sont de plus en plus difficiles à trouver.
M. Wong, dans son premier discours de rassemblement, a reconnu l’incertitude économique et a promis de s’attaquer aux problèmes liés au coût de la vie et à l’emploi, ce qui est la « première et plus grande priorité » de son gouvernement.
Un marché du logement sous surveillance
Le débat de longue date sur le logement à Singapour a également refait surface. Les terrains étant rares, l’immobilier reste une question urgente. Bien que le taux de croissance des prix des logements privés ait ralenti au cours du premier trimestre 2025, les prix sont restés en hausse de 3,1 % en glissement annuel, continuant à alimenter les inquiétudes concernant l’accessibilité financière. Pour l’électeur moyen, cependant, le problème n’est pas le prix, mais l’équité. Les jeunes Singapouriens craignent de ne jamais pouvoir s’offrir une maison ici.
Travailleurs étrangers et concurrence en matière d’emploi
Les tensions autour des travailleurs étrangers persistent. Les étrangers représentent plus d’un quart des 6 millions d’habitants de Singapour. Bien que leur présence soit nécessaire dans des secteurs tels que la technologie, la finance et la construction, leur nombre croissant a suscité des inquiétudes quant à la concurrence pour l’emploi et au gel des salaires. Le gouvernement est fermement convaincu que Singapour doit rester ouverte aux talents étrangers afin de conserver son avantage concurrentiel. Mais les Singapouriens veulent avoir l’assurance que leurs propres opportunités ne seront pas compromises dans le processus.
La guerre commerciale mondiale : une ombre sur la campagne
Outre les défis internes, l’économie très mondialisée de Singapour souffre de l’escalade des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine. Le retour de l’ancien président Donald Trump sur le devant de la scène politique a rouvert les guerres tarifaires, jetant une longue ombre sur les pays d’Asie du Sud-Est qui dépendent du commerce.
Même si les droits de douane américains sur les importations de Singapour restent à un niveau comparativement bas de 10 %, les retombées ont été immenses. Singapour a réduit sa projection de croissance pour 2025 à un sombre 0 à 2 %, loin de la croissance de 4,4 % de 2024.
Pour Singapour, dont le total des échanges commerciaux est trois fois supérieur à son PIB, les chocs mondiaux l’ont frappé de plein fouet. Stable entre la Chine, son principal partenaire commercial, et les États-Unis, sa principale source d’investissements directs étrangers et son principal allié en matière de sécurité, la diplomatie économique de Singapour atteint de nouveaux sommets.
Un référendum sur l’avenir
Bien que la domination du PAP n’ait jamais été sérieusement contestée dans les urnes, cette élection repose davantage sur la confiance dans le gouvernement, en particulier dans l’ère post-Lee Hsien Loong. Lawrence Wong parviendra-t-il à convaincre les électeurs que son approche est celle de la continuité et du rajeunissement ? Le PAP est-il en mesure de s’attaquer suffisamment aux inégalités croissantes et aux tensions liées au changement mondial ?
À quelques jours des élections, les Singapouriens rendront bientôt leur verdict, qui pourrait déterminer le destin de leur nation bien après cette brève campagne.