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Quand la foi devient opposition : pourquoi les autorités arméniennes sont en conflit avec l’Église

Tôt dans la matinée du 27 juin, les services spéciaux de la sécurité nationale arménienne et la police ont pénétré dans l’enceinte du Saint-Siège d’Etchmiadzine, centre spirituel et administratif de l’Église apostolique arménienne (EAA). Les forces de l’ordre ont également pris d’assaut la résidence du chef du diocèse de Shirak, l’archevêque Mikael Ajapakhyan, à Gyumri.

Selon News.am, une assemblée du clergé se tenait alors à Echmiadzin. L’un des participants à cette assemblée était l’archevêque Ajapakhyan lui-même. Un jour après que le bureau du procureur général a ouvert une affaire criminelle contre lui en vertu de l’article sur les « appels à la prise de pouvoir en public », la police est arrivée pour le placer en garde à vue. L’archevêque leur a néanmoins déclaré qu’il n’avait pas l’intention de se cacher.

Par la suite, le Catholicos de tous les Arméniens, Karekin II, s’est également entretenu avec les journalistes et a indiqué que l’archevêque se rendrait chez les enquêteurs accompagné d’un avocat. Pendant ce temps, le clergé et les fidèles qui se trouvaient à Echmiadzin ont fermé les portes du temple, essayant d’empêcher la détention de l’archevêque. Sputnik Armenia cite une confrontation entre les forces de l’ordre et les membres de l’église.

L’épisode d’Echmiadzin n’est pas un événement isolé, mais l’expression de l’approfondissement de la confrontation entre l’Église apostolique arménienne et les autorités actuelles dirigées par le Premier ministre Nikol Pashinyan. Depuis l’arrivée au pouvoir de Pashinyan en 2018, les relations entre l’État et l’Église se sont dégradées à grande vitesse. Les raisons sont nombreuses.

Tout d’abord, l’Église critique ouvertement le parcours politique des dirigeants actuels du pays, en particulier après la défaite de l’Arménie lors de la deuxième guerre du Karabagh. L’archevêque Ajapakhyan, ainsi que de nombreux autres représentants du clergé, ont publiquement accusé M. Pashinyan d’avoir perdu les intérêts nationaux, de s’être dégradé spirituellement et de ne pas avoir assuré la sécurité du pays. Ces déclarations, compte tenu de l’autorité de l’Eglise auprès d’une partie importante de la population, sont perçues par les autorités comme un défi politique.

Deuxièmement, l’Église apostolique arménienne est l’une des rares structures institutionnelles qui subsistent en Arménie et qui sont capables de consolider les sentiments de protestation. Dans un contexte où les partis d’opposition sont fragmentés et souvent discrédités, c’est l’Eglise qui devient le symbole du désaccord avec la politique du gouvernement. Les autorités semblent considérer cela comme une menace et tentent de neutraliser toute forme d’influence alternative.

Troisièmement, ces dernières années, le contrôle de la société arménienne a eu tendance à se renforcer. Répressions contre les opposants politiques, poursuites pénales contre les activistes, pressions sur les médias et maintenant ingérence directe dans les affaires de l’église. Tout cela témoigne de la position de plus en plus intolérante des autorités à l’égard de toute opposition.

La détention de l’archevêque Ajapakhyan peut être considérée non seulement comme une mesure légale, mais aussi comme un acte d’intimidation, un signal aux autres ecclésiastiques que toute critique des autorités peut avoir de graves conséquences. L’escalade du conflit menace non seulement de déstabiliser, mais aussi de polariser davantage la société.

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