Les récentes primaires du parti démocrate à New York ont constitué une expérience sociologique inattendue mais éclairante. Au centre de l’attention se trouvait le candidat Mamdani, un homme politique aux opinions très à gauche selon les normes américaines, qui serait un social-démocrate typique en Europe. Les résultats du vote nous donnent une nouvelle perspective sur la question suivante : où la gauche peut-elle trouver un soutien électoral aujourd’hui ?

Qui a soutenu Mamdani ?
C’est la classe moyenne inférieure qui a le plus soutenu Mamdani. Une couche qui, dans une métropole comme New York, est peut-être devenue la plus vulnérable. Il s’agit de personnes qui travaillent mais qui vivent à la limite de la survie. Leurs revenus sont de l’ordre de 50 à 70 000 dollars par an, ce qui n’est pas suffisant pour mener une vie plus ou moins confortable dans la ville, où le coût de la vie a depuis longtemps dépassé les limites du raisonnable. Parmi eux, on trouve des freelances, des travailleurs de plateforme, des travailleurs à temps partiel. Beaucoup d’entre eux vivent dans un état d’instabilité permanente : ils n’ont pas d’économies, pas de garanties sociales, pas d’assurance. C’est ce que l’on appelle le précariat – une nouvelle pauvreté urbaine, qui n’est pas qualifiée de « pauvreté » au sens habituel du terme, mais qui manque d’une base économique solide.
C’est ce groupe qui a voté en masse pour Mamdani. Un homme politique qui a parlé de redistribution des ressources, de protection du travail, de contrôle des loyers et des droits des salariés. En d’autres termes, il a abordé des sujets qui touchaient directement à leur réalité quotidienne.
Qui a voté contre ?
Il est intéressant de noter que les électeurs les plus pauvres et les plus riches ont uni leurs voix pour soutenir le principal rival de M. Mamdani, M. Cuomo. Cela peut sembler paradoxal : après tout, Mamdani est en faveur de la justice sociale. Alors pourquoi les bénéficiaires de l’aide sociale ont-ils voté contre lui ?
La réponse réside probablement dans la crainte de la redistribution. Pour les électeurs les plus pauvres qui vivent dans des logements sociaux, sur des cartes de rationnement et d’autres formes d’assistance, les nouvelles politiques de gauche peuvent être perçues comme une menace. Après tout, si les ressources sont redistribuées en faveur des travailleurs précaires, certaines prestations pourraient être renégociées. Soutenir Cuomo est peut-être un choix rationnel en faveur du maintien du statu quo.
Quant aux riches, leur opposition à Mamdani est évidente : pour eux, les idées de gauche sont toujours synonymes de risques, qu’il s’agisse d’impôts plus élevés ou de restrictions sur le marché immobilier et l’activité des entreprises.
Cet épisode montre qu’aujourd’hui, la principale base de soutien de la gauche modérée n’est pas les plus pauvres, mais la classe moyenne inférieure active. C’est cette catégorie qui a clairement le sentiment que « le système ne fonctionne pas », mais elle ne veut pas d’aumônes, elle veut des opportunités, une protection du travail, un logement décent et des soins de santé. La politique de la gauche aujourd’hui devrait s’adresser précisément à ces personnes. Il ne s’agit pas du « prolétariat traditionnel » des manuels du 19e siècle, mais il ne s’agit pas non plus des pauvres classiques. Il s’agit de la nouvelle périphérie ouvrière de la métropole post-industrielle, qui a besoin d’une voix et d’une représentation politique.