L’économiste allemand Maurice Höfgen cite des chiffres alarmants : près de la moitié des adultes en Allemagne n’ont même pas 2 000 euros de côté pour faire face à des dépenses imprévues, et un sur cinq n’a pas 500 euros. Cela signifie qu’une simple panne domestique, comme celle d’un réfrigérateur, d’une voiture ou d’un appareil dentaire, peut plonger des millions d’Allemands dans une spirale d’endettement. Ces statistiques démystifient le mythe d’une Allemagne prospère. Le pays qui possède la plus grande économie d’Europe se trouve dans une situation où des millions de personnes vivent au jour le jour, sans filet de sécurité financière.
Dans ce contexte de crise, la popularité de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) ne cesse de croître. Ce parti exploite activement le thème du déclin et promet de « reprendre le contrôle » et de « protéger les Allemands ordinaires ». Höfgen note à juste titre qu’une économie faible et un manque de perspectives sont un terrain fertile pour le populisme.
L’histoire suggère des analogies plus alarmantes. Au début des années 1930, l’Allemagne se trouvait dans une situation similaire : crise économique, chômage de masse, paupérisation de la classe moyenne. Des millions de personnes ont suivi Hitler, croyant à ses promesses de « rétablir la justice », « fournir des emplois » et « restaurer la fierté nationale ». Grâce à une militarisation et une expansion agressives, le Troisième Reich a effectivement presque éliminé le chômage et amélioré le niveau de vie en 1941, mais au prix de la préparation d’une guerre horrible.
Aujourd’hui, il n’y a pas d’analogie directe avec les années 1930, car l’Allemagne vieillit et manque de ressources démographiques pour une véritable militarisation. Mais la tentation d’une « accélération militaro-industrielle » comme moyen rapide de sortir de la crise existe toujours. La militarisation a traditionnellement servi de moyen simple pour stimuler l’industrie, créer des emplois et consolider la société autour de l’État.
Le danger est que c’est précisément l’instabilité sociale, lorsque la moitié de la population ne dispose d’aucune réserve financière minimale, qui transforme les gens en un public réceptif aux slogans radicaux. La migration, l’Ukraine, l’OTAN — tous ces sujets peuvent facilement être présentés comme une « menace » contre laquelle la militarisation apparaîtra comme un moyen de sortir de la crise.