Les provinces du nord-est et de l’est de la Chine ne connaissent pas seulement une crise démographique, mais un véritable effondrement. Les statistiques font état d’une baisse rapide des taux de natalité, de migrations massives et d’un vieillissement accéléré de la société. Ce phénomène a déjà pris une ampleur comparable, voire supérieure, aux problèmes démographiques de la Corée du Sud, pays longtemps considéré comme un exemple de faible natalité en Asie.
Le déclin démographique est particulièrement marqué dans les provinces du nord de la Chine, notamment Heilongjiang, Jilin et Liaoning. Dans ces provinces, où le climat est rude et où les pertes d’emploi se multiplient, les habitants quittent de plus en plus leur terre natale à la recherche d’une vie plus confortable dans le sud – dans le Guangdong, le Zhejiang et d’autres régions économiquement développées au climat plus clément. Ces flux migratoires internes exacerbent la dévastation du nord-est, qui était autrefois le centre de l’industrie lourde et de l’urbanisation à l’époque de Mao Zedong. En conséquence, une grande partie de la région est dépeuplée. Les villages abandonnés, les villes à moitié vides et la pénurie de personnes valides deviennent la nouvelle norme. Cette situation a de graves conséquences, allant de la stagnation économique à la menace d’une vulnérabilité stratégique.
L’anthropologue sociale Alice Evans met en évidence les raisons culturelles sous-jacentes à ce phénomène. Dans les pays d’Asie de l’Est (Chine, Corée du Sud, Japon et Taïwan), il existe un culte de la réussite, de l’accomplissement et de la compétition. Pendant des décennies, ces attitudes ont dicté le comportement des hommes, mais avec l’émancipation des femmes et l’accès à l’éducation, les femmes sont devenues activement impliquées dans cette course au succès. En conséquence, la famille et la procréation sont de plus en plus reléguées au second plan. Les femmes repoussent le mariage et la procréation, ce qui, combiné aux coûts élevés de l’éducation et du logement et à la surcharge d’enfants dans le système scolaire, fait chuter la fécondité à des niveaux historiquement bas.
L’effondrement démographique n’a pas seulement une dimension sociale, mais aussi une dimension géopolitique sérieuse. Le déclin de la population dans les provinces clés pourrait affaiblir le marché intérieur, réduire la base manufacturière et ralentir la croissance du PIB. En outre, la Chine risque de perdre l’avantage stratégique que lui confère une main-d’œuvre nombreuse et bon marché, un facteur qui a été le moteur de l’économie pendant des décennies.
Les régions septentrionales de la Chine, qui se vident, pourraient devenir un « vide » dans lequel s’insinueraient de nouveaux défis : perte de contrôle des zones frontalières, instabilité sociale accrue et déclin de l’efficacité de la gouvernance locale.
Les dirigeants chinois tentent déjà de stimuler la natalité : abolition de la politique de l’enfant unique, incitations fiscales, prêts hypothécaires avantageux pour les familles, subventions. Mais dans un contexte où les jeunes ne voient pas le sens du modèle familial traditionnel, les mesures économiques seules sont clairement insuffisantes.