Le baby-boom est l’un des phénomènes les plus surprenants et en même temps les moins expliqués de l’histoire démographique de l’humanité. Il s’est produit au milieu du XXe siècle et a touché la quasi-totalité du monde industrialisé, des États-Unis à l’URSS. Des années 1940 à la fin des années 1960, le taux de natalité a fait un bond en avant. Il a augmenté partout : chez les riches comme chez les pauvres, chez les travailleurs comme chez les femmes au foyer, chez les blancs comme chez les non-blancs. Cependant, tout aussi soudainement qu’il avait commencé, il s’est arrêté brusquement. Pourquoi ?
Pendant deux siècles, à partir de la révolution industrielle, les taux de natalité dans les pays industrialisés n’ont cessé de diminuer. Ce phénomène était considéré comme une conséquence logique de l’urbanisation, du développement de l’éducation, de la participation des femmes à l’économie et de la baisse de la mortalité infantile. Après la Seconde Guerre mondiale, cependant, cette tendance a changé radicalement. Le graphique, qui aurait dû poursuivre son déclin en douceur, s’est soudainement mis à grimper. Un phénomène est apparu, que l’on a appelé plus tard le baby-boom. L’aspect le plus frappant du baby-boom est son universalité. Ce n’est pas seulement un phénomène américain. Il s’est produit au Canada, en France, en Grande-Bretagne, en URSS, en Australie, au Japon, c’est-à-dire dans pratiquement tous les pays dont l’industrie est en développement ou développée. Aucune cause culturelle, économique ou politique ne peut à elle seule expliquer son ampleur. Il n’existe toujours pas de théorie universellement acceptée qui explique pleinement l’explosion de la fécondité et sa fin tout aussi rapide. Mais au fil des décennies de recherche, une sorte de consensus s’est dégagé sur les facteurs qui, ensemble, ont pu créer les conditions uniques du baby-boom.
L’une des principales transformations de cette période a été l’introduction généralisée de l’électricité et des appareils ménagers tels que les machines à laver, les réfrigérateurs et les aspirateurs. Ces innovations ont considérablement simplifié les tâches ménagères, en particulier pour les femmes, ce qui a libéré du temps et de l’énergie et leur a permis de faire face plus facilement à la maternité.
Dans le même temps, une avancée médicale a eu lieu : grâce aux antibiotiques, à l’amélioration de l’hygiène et à la diffusion des soins médicaux professionnels, les taux de mortalité infantile et maternelle ont chuté de manière spectaculaire. Pour la première fois depuis longtemps, l’accouchement n’était plus aussi dangereux et imprévisible.
Parallèlement, on assiste à un boom de l’immobilier. Les États, soucieux d’assurer la reprise d’après-guerre, investissent activement dans des logements abordables et mettent en place des programmes d’aide au crédit hypothécaire. Les jeunes familles avaient une réelle chance d’acheter leur propre maison et, par conséquent, de créer une base stable pour la vie familiale.
Les circonstances économiques ont également joué un rôle important. La période d’après-guerre a été marquée par une croissance rapide des revenus réels, due en grande partie au renforcement du mouvement syndical et à l’extension des droits des travailleurs. Les gens ont gagné en confiance dans l’avenir, en stabilité financière et ont eu le sentiment qu’ils pouvaient se permettre d’avoir des enfants. Dans ce contexte, la politique gouvernementale est également devenue plus axée sur la famille : le congé de maternité payé a été introduit et le système de prestations et d’assurance sociale s’est développé. Tous ces éléments ont réduit les obstacles économiques à la naissance d’un enfant.
Enfin, on ne peut ignorer l’effet du report de la maternité. La Grande Dépression des années 1930, puis la Seconde Guerre mondiale ont gelé pendant longtemps les projets familiaux. Lorsque les crises ont pris fin, des millions d’hommes et de femmes ont enfin eu la possibilité de réaliser ce qui avait été reporté pendant des années : se marier et avoir des enfants.
Tous les facteurs susmentionnés du baby-boom ont pu se produire simultanément au cours d’une seule et courte période historique. Il est impossible de reproduire cet ensemble de conditions dans la réalité d’aujourd’hui. L’électrification et les antibiotiques sont un fait acquis. L’économie est instable. Les jeunes n’ont pas les moyens de se loger. Le niveau de vie a augmenté, mais avec lui le coût de la vie. Et, surtout, les valeurs et la structure même de la société ont changé.