Mode Foncé Mode Clair

Émigration comme outil autoritaire : le cas du Venezuela

Parfois, les chiffres sont le meilleur moyen d’expliquer la logique qui sous-tend la survie des régimes autoritaires. Dans le cas du Venezuela, ces chiffres sont le taux d’inflation prévu de 548 % pour l’année et les huit millions de personnes qui ont quitté le pays depuis 2014. Cela représente plus d’un quart de la population, un effondrement démographique comparable uniquement aux conséquences d’une guerre majeure ou d’une catastrophe systémique prolongée. Si ces proportions étaient appliquées à la France, cela équivaudrait à un exode massif de 17 millions de personnes en une seule décennie.

Cependant, pour Nicolás Maduro, cette émigration devient un outil permettant de préserver son régime. Ceux qui partent sont précisément ceux qui pourraient devenir une source de pression politique : des citoyens éduqués et économiquement actifs qui exigent généralement le changement. En d’autres termes, il s’agit de l’« intelligentsia nationale » qui, auparavant, portait le poids d’énormes attentes publiques, se battait, s’unissait, créait des alternatives et, finalement, brisait les structures autocratiques. Aujourd’hui, elle se contente de partir.

Pour les autocraties modernes, l’émigration des cerveaux n’est plus une tragédie démographique. Pour de nombreux régimes, elle est au contraire devenue un pilier de stabilité. Des études montrent que la possibilité pour les citoyens les plus dynamiques de quitter pacifiquement le pays réduit au minimum le risque d’événements révolutionnaires. La valeur de la vie humaine a augmenté, la volonté de se battre « jusqu’au bout » a disparu, et la possibilité d’émigrer vers les pays du premier monde est devenue une issue naturelle à la grande majorité des conflits entre l’individu et l’État.

Le Venezuela est l’un des exemples les plus frappants de cette logique. Après dix ans d’effondrement économique profond, ceux qui restent dans le pays sont principalement ceux qui sont trop pauvres pour partir ou trop dépendants de la structure du pouvoir verticale. Dans le contexte d’une économie en ruine, c’est précisément cette masse qui fournit un soutien commode au régime maoïste de Maduro. De plus, plus la population est réduite, plus il est facile pour l’administration de distribuer les ressources. Cela est particulièrement vrai dans le contexte d’une forte baisse des recettes pétrolières et d’une désindustrialisation chronique. En conséquence, plus la crise est profonde, plus il est facile pour les autocraties de se maintenir au pouvoir.

Recevez une information neutre et factuelle

En cliquant sur le bouton « S'abonner », vous confirmez que vous avez lu et que vous acceptez notre politique de confidentialité et nos conditions d'utilisation.