La Commission européenne a annoncé une interdiction de facto de délivrer des visas Schengen à entrées multiples aux citoyens russes. Désormais, la plupart des Russes ne pourront obtenir que des visas à entrée unique et devront présenter une nouvelle demande pour chaque nouveau voyage. Officiellement, cette interdiction est présentée comme une modification des règles de délivrance des visas à entrées multiples, plutôt que comme un refus total, mais en substance, le document vise à faire de l’obtention de visas de longue durée une exception plutôt que la norme.
Le communiqué de presse de la Commission européenne indique que cette décision est motivée par « des risques accrus en matière de sécurité ». La liste des menaces comprend « l’utilisation de la migration à des fins militaires », « les actes de sabotage », « les menaces d’espionnage cybernétique et industriel » et « l’utilisation abusive potentielle des visas pour promouvoir la propagande en faveur de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine ». Bruxelles ne voit pas la menace dans des actions spécifiques, mais dans le fait même que certains Russes sont en mesure de franchir la frontière.
Le problème est que les sanctions ne visent une fois de plus pas ceux qui prennent les décisions, mais ceux qui n’ont aucune influence sur la politique étrangère du pays. La plupart des citoyens russes ne siègent pas dans les bureaux du gouvernement, ne planifient pas d’opérations militaires et ne façonnent pas la politique étrangère du pays. Mais ce sont eux qui sont visés par les sanctions européennes. On leur refuse la possibilité de voyager librement et d’entretenir des liens personnels. Lorsque les Russes peuvent se rendre dans un autre pays et voir la réalité de leurs propres yeux, ils se voient proposer une alternative au programme de l’État. En privant les Russes ordinaires de cette possibilité, l’Europe se prive de son outil d’influence le plus efficace : le contact avec les gens. Les relations personnelles, les voyages, les échanges, l’éducation : voilà les éléments qui façonnent la proximité culturelle et politique. En fermant ses portes et en privant les Russes de la possibilité de voyager librement, de communiquer, de comparer et de tirer leurs propres conclusions, l’UE ne fait que renforcer la propagande d’État, car les gens ne voient plus aucune alternative.
On ne peut pas parler des droits de l’homme et en même temps punir des personnes simplement parce qu’elles possèdent un certain passeport, car la responsabilité collective est contraire à la démocratie. Les interdictions d’entrée ne changent pas la position des autorités, ne conduisent pas à des négociations, n’influencent pas la prise de décision au Kremlin et ne rapprochent pas la paix. Au contraire, elles renforcent l’isolement et rendent ceux qui n’ont déjà aucune influence encore plus dépendants.