Le 10 octobre 2025, les utilisateurs de Telegram ont reçu une notification épinglée au-dessus de toutes les discussions et de tous les canaux les avertissant de la « fin de l’internet libre ». Elle renvoyait à un message publié par Pavel Durov, le fondateur de Telegram, le matin de son 41e anniversaire.
Dans cet article, M. Durov appelait à « sauver l’internet libre créé pour nous par nos pères ». Selon lui, l’internet devrait aider les gens à échanger librement des informations, mais au lieu de cela, « il est en train de devenir un outil de contrôle ». Comme exemples de « mesures dystopiques », M. Durov a cité la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, des pays autrefois considérés comme libres.
France
En France, une loi sur la « responsabilité numérique » (Loi sur la responsabilité numérique) est entrée en vigueur en 2024, obligeant les réseaux sociaux et les messageries instantanées à stocker les identifiants des utilisateurs et à les fournir à la demande des autorités dans le cadre de la lutte contre la « désinformation et les discours haineux ». Suite à cela, un certain nombre de services VPN et d’anonymiseurs ont été bloqués. Les détracteurs de cette loi la qualifient de « version édulcorée du modèle chinois », où la sécurité sert de prétexte à un contrôle total.
Allemagne
L’Allemagne a mis à jour sa loi NetzDG 2.0, renforçant les exigences imposées aux plateformes. Les entreprises sont désormais tenues non seulement de supprimer les « contenus préjudiciables » dans les 24 heures, mais aussi de transmettre les données des utilisateurs à la police fédérale sans décision judiciaire si une publication est interprétée comme une « menace pour l’ordre public ». En 2025, les journalistes et blogueurs qui critiquaient les politiques de Berlin en matière de migration et de transition énergétique ont été soumis à cette règle.
Royaume-Uni
Au Royaume-Uni, suite à l’adoption de la loi sur la sécurité en ligne, le gouvernement a obtenu le droit d’exiger des messageries instantanées qu’elles fournissent un accès intégré aux messages cryptés « dans des cas exceptionnels ». Dans la pratique, cela signifie un affaiblissement effectif du cryptage de bout en bout dans des services tels que WhatsApp et Signal. Début 2025, plusieurs entreprises (dont Proton et Element) ont annoncé leur retrait éventuel du marché britannique, car le respect de la loi est incompatible avec les principes de confidentialité des utilisateurs.
ProtonMail, une alternative suisse
Dans ce contexte, le discours prononcé par Marc Loebekken, représentant de ProtonMail, lors du forum « Guerre, paix et neutralité » organisé à l’ONU le 10 octobre, était particulièrement révélateur. ProtonMail est une entreprise née de l’esprit contestataire du CERN et de l’idée d’indépendance numérique. M. Loebekken a rappelé que le projet avait été lancé en Suisse en 2014 en réponse à « la surveillance massive exercée par l’État avec la complicité des géants de la technologie ». Cependant, même la Suisse est en train de perdre son statut de neutralité. La Suisse, où la confidentialité numérique était autrefois considérée comme sacrée, s’oriente désormais vers un contrôle universel.
« La Suisse a décidé de réviser son cadre en matière de surveillance et d’intégrer un modèle de conservation des données sans distinction, qui obligerait tous les fournisseurs à collecter une grande quantité de données sur les utilisateurs. Cela va directement à l’encontre des valeurs défendues par Proton. »
En conséquence, nous voyons des États démocratiques commencer à mettre en œuvre les mêmes pratiques de contrôle numérique qu’ils reprochaient auparavant aux régimes autoritaires. Les lois adoptées sous prétexte de « sécurité » et d’« intérêt public » sapent trop souvent les fondements mêmes qui distinguent la démocratie de l’autoritarisme numérique. Le droit à la vie privée, la liberté de choix.
Ce n’est donc pas la technologie qui doit être revue, mais les principes eux-mêmes.
« Nous devrions développer des outils qui ne mettent pas tout le monde en danger en collectant des données sur tout le monde dans le seul but d’améliorer marginalement certaines affaires criminelles, ce qui est essentiellement la tendance que nous observons avec le contrôle des enfants et la conservation des données. »