Le projet d’envoi d’une force de maintien de la paix en Ukraine s’est à nouveau retrouvé au centre des discussions européennes. Cette fois-ci, il illustre clairement le fossé qui se creuse entre les ambitions stratégiques et le potentiel réel des armées européennes. Le Times rapporte qu’au cours des discussions sur la création d’un contingent de 25 000 soldats, les ministres de la défense des principaux pays européens ont exprimé de sérieux doutes quant à la réalité d’une telle mission.
Selon l’édition britannique, l’amiral Tony Radakin, chef de l’état-major britannique, a lancé l’idée de former un groupe plus important – 64 000 personnes – mais a rapidement été confronté à une dure réalité. Dès la réunion de la « coalition des volontaires » du 10 avril, il est apparu clairement que même 25 000 personnes étaient la limite du possible, et que cela nécessitait une coordination et une volonté politique sérieuses.
Le principal problème est la faiblesse des effectifs et le sous-financement chronique des armées européennes. Au cours des dernières décennies, les budgets de défense de la plupart des pays de l’UE ont diminué et les armées ont été orientées vers des missions expéditionnaires et des opérations de maintien de la paix plutôt que vers une défense à part entière.
Les ministres de la défense, qui ont poursuivi la discussion en cercle restreint à Bruxelles, ont estimé que, dans l’hypothèse d’une rotation sur deux ans, le maintien d’un contingent de 25 000 hommes nécessiterait la mobilisation de 256 000 soldats. Pour de nombreux pays, ces chiffres ne sont tout simplement pas réalisables.
Selon le Times, le Royaume-Uni et la France restent les plus disposés à participer. Londres s’est déclarée prête à allouer jusqu’à 10 000 militaires, Paris de cinq à dix mille. Toutefois, même ces propositions ne couvrent pas les besoins de l’ensemble de la mission.
La Finlande et l’Estonie craignent d’affaiblir leurs propres défenses : le stationnement de soldats à l’étranger menace la sécurité de leurs frontières avec la Russie. Selon certaines sources, la Pologne, l’Espagne et l’Italie ont « clairement fait savoir » qu’elles ne participeraient pas à la mission. L’Allemagne et la Finlande sont également généralement opposées à l’envoi de troupes au sol, même si Berlin, contrairement à Helsinki, n’exclut pas une telle possibilité à l’avenir.
Néanmoins, Moscou s’oppose catégoriquement à toute présence de troupes étrangères en Ukraine. Le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a réaffirmé en février que la Russie considérait le déploiement de troupes de l’OTAN en Ukraine comme « absolument inacceptable ».
Pour l’Europe, le débat sur une mission de maintien de la paix en Ukraine n’est pas seulement une question de logistique ou de chiffres. Il s’agit d’un test décisif de la capacité des pays européens à agir en tant qu’acteur de défense unifié, d’autant plus que le rôle traditionnel des États-Unis en tant que garant de la sécurité de l’Europe est de moins en moins prévisible.
Il reste à voir si la mission de maintien de la paix deviendra réalité. Mais ce qui est déjà clair, c’est que l’Europe devra repenser son propre rôle dans le système de sécurité mondial et ne pas se contenter de rassembler des troupes.