Les événements de ces derniers mois montrent que l’économie américaine est en pleine mutation. Les États-Unis s’orientent de plus en plus vers un capitalisme d’État, dans lequel l’État ne se limite pas à un rôle d’arbitre et de régulateur, mais devient un acteur actif dans les processus d’entreprise.
Le premier épisode de ce type a été l’intervention de Donald Trump dans la vente de US Steel à la société japonaise Nippon Steel. Le président a effectivement obtenu le droit de bloquer ou d’approuver la transaction. Cette mesure a transformé l’industrie sidérurgique, qui est passée d’une question purement commerciale à une question de sécurité nationale, où la Maison Blanche a désormais le dernier mot. La pratique consistant à exercer des pressions sur les grandes entreprises ne s’est pas limitée à cet épisode. Apple a été contrainte d’accepter d’investir environ 600 milliards de dollars dans l’industrie manufacturière américaine (ce chiffre est comparable au PIB d’un pays entier). Intel a été soumise à une pression politique sans précédent lorsque Trump a publiquement appelé à la démission de son PDG. Nvidia et AMD ont été confrontées à une nouvelle forme de contrôle étatique : les entreprises sont désormais tenues de transférer à l’État 15 % de leurs revenus provenant de la vente de certaines puces à la Chine. Il s’agit en substance de l’introduction d’un droit d’exportation caché, inscrit non pas dans la législation commerciale, mais dans des accords d’entreprise.
Le point culminant de cette réflexion a été l’annonce que le gouvernement allait acquérir 10 % des actions d’Intel. Ce précédent montre qu’une telle pratique pourrait être étendue à toutes les entreprises du secteur des semi-conducteurs qui reçoivent des fonds fédéraux. Ainsi, Washington devient un actionnaire à part entière de tout un secteur, acquérant ainsi une influence non seulement sur les décisions stratégiques, mais aussi sur les politiques de personnel des grandes entreprises.
Alors que les États-Unis se positionnaient auparavant comme les représentants du modèle de marché libéral, leur trajectoire ressemble aujourd’hui de plus en plus au concept chinois de capitalisme d’État, adapté aux réalités américaines. La seule différence est que la version américaine met l’accent sur la sécurité nationale, l’autonomie technologique et la rivalité avec la Chine.