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« 2025 : Année internationale de la paix et de la confiance – La neutralité du Turkménistan ne signifie pas l’isolement ». Une interview avec Vepa Hajiyev
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« 2025 : Année internationale de la paix et de la confiance – La neutralité du Turkménistan ne signifie pas l’isolement ». Une interview avec Vepa Hajiyev

Neutralité stratégique Turkménistan Eurasie Vepa Hajiyev Neutralité stratégique Turkménistan Eurasie Vepa Hajiyev

Vepa Hajiyev est le représentant permanent du Turkménistan auprès des agences des Nations Unies à Genève et ambassadeur en Suisse. De 2006 à 2023, il a occupé le poste de vice-ministre des Affaires étrangères.

Maria Kuznetsova, Guillaume de Sardes : Le Turkménistan est le seul pays au monde dont la neutralité a été reconnue à deux reprises par des résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies. Dans le contexte actuel de tensions géopolitiques croissantes, comment Achgabat interprète-t-il le principe de « neutralité permanente » ? Cela signifie-t-il le refus de toute alliance ou bloc militaire, ou bien le Turkménistan est-il prêt à participer à certaines formes de coopération régionale et internationale, si elles ne contredisent pas son statut neutre ?

Vepa Hajiyev : Tout d’abord, je vous remercie de me donner l’occasion de partager des informations sur un événement aussi important que le 30e anniversaire de la neutralité permanente du Turkménistan, qui coïncide également avec 2025, l’Année internationale de la paix et de la confiance. C’est un grand honneur pour moi de m’adresser aux lecteurs européens et de présenter les principes qui ont guidé la politique étrangère pacifique et constructive du Turkménistan tout au long de ces années. 

Le principe de neutralité permanente est inscrit dans la Constitution et dans la loi du Turkménistan « Sur la neutralité ». Ces documents indiquent clairement que le Turkménistan refuse de participer à des alliances et blocs militaires et n’autorise pas l’installation de bases militaires étrangères sur son territoire. Cependant, la neutralité de notre pays ne signifie pas l’isolement. Au contraire, le Turkménistan participe activement et est prêt à participer dans le futur à des formats de coopération régionaux et internationaux qui ne contredisent pas son statut neutre. La pratique des dernières décennies montre que la neutralité économique contribue au renforcement de la stabilité militaro-politique et de la prévisibilité dans la région eurasiatique. Sur cette base, le Turkménistan développe systématiquement des relations de partenariat dans le cadre de structures telles que l’Organisation de coopération économique (OCE), la CEI, l’OTS et d’autres. Soit dit en passant, l’année 2025 revêt une signification symbolique particulière pour le Turkménistan, car elle reflète l’engagement continu de notre nation en faveur de la paix, de la confiance et d’une coopération internationale constructive. Cette année nous rappelle les valeurs qui ont guidé la politique étrangère du Turkménistan, à savoir le dialogue, l’équilibre et le respect mutuel, ainsi que notre contribution constante au renforcement de la stabilité et du développement tant au niveau régional que mondial.

Certains analystes disent que la neutralité sans armée, c’est-à-dire sans capacité de dissuasion, serait une illusion. Partagez-vous cette idée qu’une armée forte est la garante de la neutralité ? Quel rôle assignez-vous à votre armée et travaillez-vous à la moderniser ?

Je suis d’accord avec l’idée que la neutralité politique ne suffit pas à elle seule à protéger la souveraineté et l’intégrité territoriale. Je tiens à souligner que la doctrine militaire du Turkménistan est exclusivement défensive. Compte tenu de la situation géopolitique complexe dans les pays voisins du Proche et du Moyen-Orient, le Turkménistan accorde une attention particulière au renforcement de sa défense nationale et modernise systématiquement ses forces armées. Son objectif principal est toutefois d’assurer la paix et la stabilité, et non de participer à des conflits armés.

La concurrence entre les voies de transport et les routes énergétiques reste un défi important pour la région. Le Turkménistan reste traditionnellement prudent à l’égard des associations d’intégration supranationales, mais participe activement à de grands projets d’infrastructure et d’énergie dans l’espace eurasien. Compte tenu de la concurrence croissante entre les corridors de transport et les routes commerciales, comment Achgabat compte-t-il concilier le maintien de son indépendance en matière de politique économique avec la nécessité de s’intégrer dans l’économie eurasienne ? Le Turkménistan envisage-t-il de participer à certains projets sectoriels de l’UEE (Union économique eurasiatique) ou de mettre en place des mécanismes de coopération hybrides qui lui permettraient de rester en dehors de l’adhésion formelle, mais à l’intérieur de l’interaction économique ?

Le Turkménistan participe activement à la vie économique et énergétique internationale et régionale, ce qui lui permet de contribuer à la mise en place de processus économiques équitables et durables.

Compte tenu de ses intérêts nationaux et des réalités régionales, le Turkménistan combine des partenariats bilatéraux avec la participation à des initiatives multilatérales. L’une de ces plateformes est la coopération entre l’Union européenne et les pays d’Asie centrale, ainsi que la coopération dans le cadre de l’Asie centrale + l’Union économique eurasienne. Dans ce contexte, le Turkménistan met l’accent sur l’exploitation maximale du potentiel de coopération bilatérale avec les pays membres de l’UEE, en s’appuyant sur leur expérience et leurs ressources.

La OCS est un autre format de coopération régionale dans lequel le Turkménistan conserve pour l’instant une position particulière. Lors des sommets de l’OCS (Organisation de coopération de Shanghai) et du sommet « Chine-Asie centrale », les parties soulignent la coopération économique dans les domaines de l’énergie, du commerce et des infrastructures. Le Turkménistan est également favorable à l’élargissement des relations pratiques avec la Chine. Le Turkménistan envisage-t-il d’adhérer à l’OCS à l’avenir ? Le Turkménistan souhaite-t-il utiliser cette organisation pour promouvoir ses initiatives en matière d’infrastructures et d’énergie, par exemple des projets gaziers ou des voies de transport à travers la mer Caspienne ?

En effet, l’Organisation de coopération de Shanghai est l’un des mécanismes importants de coopération régionale. Le Turkménistan participe aux événements de haut niveau de l’OCS en tant qu’invité d’honneur. Cela lui permet de présenter ses propres initiatives et projets internationaux, ainsi que de les coordonner en tenant compte de la stratégie des pays membres de l’organisation.

Nous considérons l’OCS comme une plateforme d’échange d’expériences et de coordination en matière de développement durable, de sécurité, d’énergie et de transport, tout en conservant notre statut neutre.

Le Turkménistan est déjà devenu l’un des plus grands fournisseurs de gaz de la Chine. Mais une forte dépendance à l’égard d’un seul marché comporte toujours des risques. Quelles mesures Ashgabat prend-il pour que la coopération avec la Chine reste mutuellement avantageuse et équilibrée ?

La Chine est l’un des partenaires stratégiques du Turkménistan dans les domaines politique, commercial, économique, culturel et humanitaire. Nos relations ont atteint le niveau d’un partenariat stratégique approfondi.

Dans le même temps, l’un des principes clefs de la politique énergétique du Turkménistan reste la diversification des voies d’exportation et l’élargissement du cercle des consommateurs de gaz turkmène. Ce travail est mené en tenant compte des facteurs géopolitiques et géoéconomiques, ainsi que de la volonté des partenaires d’établir une coopération mutuellement avantageuse. À cet égard, la diversification des flux énergétiques du gaz turkmène vers la direction européenne est également l’un de nos objectifs prioritaires.

Si l’on passe de la dimension bilatérale à des projets concrets, le TAPI revêt une importance particulière. Depuis de nombreuses années, le gazoduc TAPI est considéré comme un projet susceptible de modifier la carte énergétique de l’Asie du Sud et de l’Asie centrale, mais sa mise en œuvre se heurte à de sérieux défis géopolitiques et financiers. Comment le Turkménistan évalue-t-il aujourd’hui les perspectives du TAPI, compte tenu de l’instabilité en Afghanistan, des besoins en énergie du Pakistan et de l’Inde et de la concurrence d’autres itinéraires ?

Le gazoduc TAPI est effectivement l’un des projets susceptibles de modifier la carte énergétique de l’Asie du Sud. Il ne fait aucun doute que les risques militaro-politiques dans la région constituent un défi majeur pour la mise en œuvre d’initiatives d’une telle envergure. Cela n’empêche toutefois pas l’avancement du projet : à ce jour, les parties turkmène et afghane poursuivent la construction du tronçon afghan du gazoduc TAPI. Le Turkménistan reste convaincu que ce projet revêt une grande importance non seulement sur le plan énergétique, mais aussi sur le plan socio-économique, car il contribue au développement des infrastructures et au renforcement de l’interconnexion régionale.

Les sanctions européennes et américaines contre la Russie ont bouleversé les flux commerciaux en Asie centrale. Dans quelle mesure l’économie turkmène a-t-elle été affectée par cette reconfiguration, notamment en matière de paiements, de logistique et d’assurances ?

Toute évolution ou complication de la situation économique dans l’espace eurasien a, dans une certaine mesure, des répercussions sur les processus en cours en Asie centrale. Cependant, grâce à l’approche particulière du Turkménistan en matière d’intégration et de mise en place de chaînes d’approvisionnement, de services et de règlements bilatéraux durables, notre pays a réussi à éviter les conséquences néfastes de la politique de sanctions.

Le Turkménistan adhère systématiquement au principe d’indépendance économique, ce qui lui permet de maintenir la stabilité et la durabilité de son économie nationale, même dans un contexte de turbulences mondiales.

Face au changement climatique et à la raréfaction de l’eau dans toute l’Asie centrale, comment le Turkménistan se prépare-t-il à préserver son agriculture (notamment le coton) et son approvisionnement en eau ?

La question des ressources en eau est l’une des questions les plus importantes pour le développement durable du pays. Le Turkménistan met en œuvre une politique globale d’utilisation raisonnée de l’eau, visant à préserver les écosystèmes et à améliorer l’efficacité de l’agriculture.

Une attention particulière est accordée aux projets menés dans le cadre de la coopération avec le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement), ainsi qu’à l’utilisation du potentiel du plus grand ouvrage hydraulique de la région, le lac artificiel turkmène Altyn Asyr. Ces initiatives visent à améliorer la gestion des ressources en eau, à augmenter les rendements agricoles et à adapter l’agriculture aux changements climatiques. En outre, des programmes de modernisation du système d’irrigation et d’introduction de technologies économes en eau sont mis en œuvre, afin de garantir le développement durable du secteur agricole du pays.

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