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Il y a un an, Bachar el-Assad a été renversé en Syrie. Que s’y passe-t-il aujourd’hui ?

Le 8 décembre 2024, le régime de Bachar el-Assad est tombé en Syrie. À ce moment-là, la guerre civile durait depuis plus de dix ans. Le pays était dévasté, la société profondément fragmentée et le pouvoir était de fait réparti entre des dizaines de groupes armés. Les nouvelles autorités se sont retrouvées face à une tâche presque impossible : arrêter la désintégration de l’État et reconstruire la Syrie. Un an s’est écoulé. Ce n’est pas suffisant pour parler de succès, mais c’est assez pour tirer les premiers bilans et se demander si la vie en Syrie est réellement devenue meilleure.

De nombreuses forces ont contribué à la chute d’Assad, mais dès le départ il était clair que le rôle décisif avait été joué par le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Sham, dirigé par Ahmad al-Sharaa, auparavant connu sous le nom d’Abou Mohammad al-Joulani. La question centrale était de savoir si la révolution allait déboucher sur une nouvelle spirale de chaos ou si al-Sharaa et son entourage parviendraient à assurer au moins une certaine stabilité.

Étroitement liée à cela se posait une deuxième question, tout aussi importante : quel type de Syrie les nouveaux dirigeants entendaient bâtir. Soit un État autoritaire s’appuyant sur la majorité arabe sunnite, qui représente environ 70 % de la population, soit un modèle plus inclusif prenant au moins formellement en compte les intérêts des Kurdes, des Druzes, des Alaouites et des chrétiens. La troisième question concernait le rôle de l’islam. HTS est une organisation islamiste salafiste, et al-Sharaa lui-même est issu du milieu d’al-Qaïda. Pour de nombreux Syriens comme pour les observateurs extérieurs, il n’était pas clair si l’islam deviendrait le fondement idéologique du nouveau régime ou s’il serait relégué au second plan.

Un instrument pour maintenir le pays uni

En janvier 2025, al-Sharaa a été proclamé président par intérim. Officiellement, il s’agissait d’une mesure transitoire, mais dans les faits elle lui conférait des pouvoirs presque illimités. Dès le printemps, une constitution provisoire d’une durée de cinq ans a été adoptée. La Syrie est devenue une république présidentielle dans laquelle le président nomme directement le gouvernement ; le parlement n’est pas formé par des élections générales, mais par des conseils d’anciens et des quotas présidentiels ; et une véritable représentation populaire fait défaut.

Néanmoins, au cours de l’année, Damas est parvenu à éviter une nouvelle guerre à grande échelle. C’est un résultat minimal, mais important.

Trois communautés problématiques : Kurdes, Alaouites, Druzes

La question kurde reste un défi central pour l’intégrité territoriale de la Syrie. Les Kurdes exigent une autonomie et le maintien de leurs propres forces armées, tandis qu’al-Sharaa insiste sur l’existence d’une armée unique et d’un État unifié. Les négociations ont duré toute l’année, ponctuées d’affrontements. Ce n’est qu’en novembre 2025, sous médiation américaine, qu’un accord de cessez-le-feu a été conclu, prévoyant l’intégration des forces kurdes dans l’armée syrienne tout en préservant leur structure interne. Ce n’est pas le premier accord de ce type.

Les Alaouites sont associés à l’ancien régime, mais ils sont privés de toute protection militaire propre. Au printemps 2025, un soulèvement d’anciens officiers du régime Assad à Lattaquié et à Tartous a été brutalement réprimé, suivi de représailles massives, de pogroms et de violences à caractère ethnique. Al-Sharaa a été contraint de reconnaître que l’État ne contrôle pas pleinement l’usage de la violence. Une commission a été créée et des enquêtes ont été ouvertes, mais pour les Alaouites, la « nouvelle Syrie » reste pour l’instant synonyme de peur.

Les Druzes disposent de leur propre milice et d’un soutien extérieur en la personne d’Israël. Les tentatives de Damas pour renforcer son contrôle sur le sud du pays ont conduit à des affrontements directs, à des frappes aériennes israéliennes et au maintien de l’autonomie de facto de Soueïda. Le statu quo a été préservé, mais le conflit n’a pas été résolu. L’autorité centrale y demeure limitée.

Politique étrangère

Al-Sharaa s’est révélé être un diplomate particulièrement actif. Il développe simultanément des relations dans plusieurs directions : avec la Turquie en tant que partenaire régional clé ; avec les monarchies arabes comme source de financements et de légitimité ; avec l’Occident comme investisseur potentiel et garant d’un allègement des sanctions ; et avec la Russie, qui conserve ses bases militaires en échange de la reconnaissance des nouvelles autorités.

La principale menace vient de l’intérieur

Le défi le plus dangereux pour le nouveau régime provient de sa propre base sociale. Les islamistes radicaux qui ont porté al-Sharaa au pouvoir l’accusent de plus en plus ouvertement de « trahir le jihad », de faire preuve d’une modération excessive et de courtiser l’Occident. Ce sont eux, armés et idéologiquement motivés, qui représentent la véritable menace pour son pouvoir. Ni les Kurdes, ni Israël, ni les Alaouites ne sont en mesure de le renverser. Les radicaux salafistes, en revanche, le peuvent. L’ironie historique est que le régime Assad avait autrefois suivi une trajectoire comparable (rhétorique laïque, priorité donnée à la stabilité, répression des radicaux) et que ses principaux ennemis étaient également des islamistes.

Un an plus tard, on peut dire que l’avenir de la Syrie dépendra de la capacité d’al-Sharaa à neutraliser les radicaux, à intégrer les différentes communautés et à préserver la souveraineté de l’État.

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